La danse, une performance.

Souvent indicible mais sujette à réflexion, au fil d’une réalité qui se cherche et qui se donne comme matière vouée au langage, chargée de sens, aux prises avec la parole par l’empire des sens et sous l’emprise des paroles, ne dit-on pas de la personne moderne qu’elle vit à l’heure d’une crise de la représentation ? Par capillarité, l’art vient en recours palier cette crise des valeurs, régénérant nos imaginaires grâce au paysage transfiguré que nous appelons de nos voeux, en phase avec l’éphémère des métamorphoses qui nous échappe fatalement.

Fort de leurs empreintes – inscriptions, étreintes et traces de soi – , examinons le biais des corps dansants et actants pour voir combien le sujet1 s’actualise autant dans la danse que dans la performance. Dans quelle mesure les oeuvres le reflètent-elles, le dépeignent-elles, le représententelles ? C’est ce que nous allons tenter de discerner. Mais au préalable, demandons-nous pourquoi il (se) découvre soudain du plus profond de lui-même un alambic pétri d’interactions en filigrane de conversations, sous-conversations, non-dits, tropismes, s’il emboîte le génie du lieu. Plus encore, vérifions comment il en épouse le merveilleux. Et si possible, prêtons attention au flux d’énergie (le nexus) que fait chanter la vie. Explorons-la, l’existence, qui résonne en ces danses et ces performances, toutes vibrantes de leur environnement et de leur milieu, comme des tympans traversés par la lumière des ors et des orgues de cathédrales : les théâtres, mais aussi les galeries, les musées, et la rue. Laissons-nous transporter par l’harmonique du souffle – le sien propre – en sa chair et en son sang, en symbiose avec les caresses du temps sur la peau ainsi ranimée, réinventée, perpétuellement renouvelée grâce aux stimulations spirituelles que procure l’art, une histoire en contact du grand oeuvre, comme l’induit Maurice Merleau-Ponty. Se saisissant de soi, le geste créateur prodigue sensation de plénitude et sentiment d’épanouissement en dépit (ou à cause) des difficultés à faire advenir sa vérité, telle une éclosion de rose – mystique – par-delà notre rapport au monde, par-delà nos mises en danger, au coeur de notre finitude, en rémission, enfin là, non pas offerte en nudité mais in situ, en conscience mise à nu. Comme l’écorché se laisse ausculter, contemplons ce corps en acte qui est aussi bien en puissance, accouchant de lui-même dans l’ardeur du vivant, et a fortiori des arts, là où s’ordonne le plus subtil des “entrelacs de vision et de mouvement”2.

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Notes :

1. Hall Edward T. (1966), La dimension cachée. Editions du Seuil, Collection Points, 1971. L’anthropologue explique que l’homme se pense et se ressent comme un espace kinesthésique qui libère et dispense la somme de ses sentiments, le plus souvent inconscients, du fait de la mémoire des lieux car, dit-il, « son corps est plus qu’une simple coquille, plus que l’occupant passif d’un volume mesurable », il est « langage de l’espace » (p. 127)

2. Goldberg Roselee (1988 et 2001 Thames & Hudson Ltd, Londres), La Performance, du futurisme à nos jours (Ed. Thames & Hudson, 2001, 138). Eloge de la danse, Ed. Arléa, Coll. Retour aux Grands Textes, 2007, p. 60..


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