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Une introduction

Dans la continuité même du cours de culture chorégraphique-histoire de la danse prononcé par la sémiologue Valérie Colette-Folliot, la question poétique des transversalités chorégraphiques portera cette année sur le caractère oblique éminemment iconographique, visuel et figural, du champ orchestique car, du point de vue d’une plasticité du corps à l’œuvre dans le mouvement dansé, comme le fait remarquer Paul Virilio quant à sa réflexion sur la vitesse, l’on s’accordera à penser combien « l’image domine la chose dont elle est l’image », ce qui d’ailleurs n’a strictement rien d’étonnant tant l’univers de représentation chorégraphique fait appel aux considérations d’ordre sémiotique et théologique empruntées à la philosophie du langage via le processus de transformation-mutation, métamorphose, et sa puissance de suggestion quasi hallucinatoire, voire fantasmagorique, en faux-semblant et toile de fond du spectacle conventionnel et traditionnel. A ce titre sera abordée la notion plus générale de jeux spéculaires et d’iconicité à l’ère de l’art de la danse et du ballet. Or, du point de vue scénographique, de par ces procédés propres de mise en scène, une forme d’esthétique de la disparition-apparition en magma génère, comme on le pressent, des images de danse en rafale qui assignent l’objet à une sorte d’inaccessible, l’idéal de soi, un absolu soudain à portée de main comme l’amour en action inspire, l’image du corps se considérant sous l’angle analytique qui est le sien, l’image inconsciente du corps d’une part, et, d’autre part, sous l’angle se rapportant en outre au schéma corporel ainsi vu sous l’aspect psychomoteur de lui-même, chose et/ou réalité lestées par le vécu et l’expérience en leurs qualités proprioceptives à l’école du ressenti où se conjuguent imagination du spectateur et imaginaire du danseur au creux des apparences. Constat de réalité ipso facto.

 

Paroles de corps dansant, parole du corps dansée en gloire sur les scènes et plateaux, à l’écran comme sur les planches.
A cet égard, nous étudierons la configuration des formes chorégraphiées en leurs temps forts, c’est-à-dire du point de vue diachronique, le spectacle véhiculant son temps propre en arts du spectacle qu’il est avec ses disciplines propres (classique, jazz, contemporain) au rythme des genres, formes, structures et styles identifiés en la nature profane ou sacrée de l’œuvre dont la destination et le rang occupe une place qui lui revient dans une société de spectacle écrasée par la société de l’image, qui plus est, société de consommation à l’occidentale. Pareilles données se référant aux différents types et divers modes de représentation, en résumé, celles-ci comprennent les traits discriminatoires suivants. Retenons-en les aspects et reprenons-les, un à un :
- les genres, soit la structure, c’est-à-dire un mode de composition préexistant (bal, ballet, mascarade, vaudeville, minstrel-show, revue, music-hall, cabaret, comédie musicale, défilé, spectacle-parade, show, récital, gala, solo, pièce chorégraphique, vidéo-danse, events, performance, happening, work in progress, etc.) ;
- les styles ou l’art et la manière qui sied auxdites formes relatives à l’art savant, lesquelles se conforment à une organisation spécifique préétablie plus ou moins académique, l’œuvre se remarquant au sceau de l’Histoire avec ses multiples courants culturels auxquels se rattachent les créations, en l’occurrence les mouvements artistiques, chaque style faisant appel à tout un référentiel extrêmement codifié, arsenal édicté selon les époques par les auteurs eux-mêmes, les artistes, les poètes (art classique, baroque et classicisme, néo-classicisme, romantisme, moderne, contemporain, etc.) ;
- les esthétiques dites « catégories esthétiques », autrement dit un mode d’expression spécifique et particulier totalement caractérisé par le ton où se reflète et se reconnaît le sensible incarné précisément là où la valeur symbolique de l’homme se manifeste en personne, ce d’une façon fondue, inhérente et intrinsèque en vertu de la couleur qui s’en dégage, interpelant par-là même des impressions éprouvées au fil des aléas et vicissitudes du temps, le public étant plongé en torpeur dans le sentiment du beau (sublime, tragique, comique, burlesque, grotesque, gracieux, joli, mystérieux, satirique, érotique, dramatique, etc.).

 

Grille de lecture du goût, analyse chorégraphique en ces lignes développée, l’exercice rhétorique consiste en une approche critique à part entière censée appréhender ce qui qualifie de l’intérieur le fait chorégraphique, tout répertoire confondu, obéissant à une structure architectonique prédéfinie que resserrent règles et contraintes radicalement vécues comme source d’inspiration susceptible de pleinement favoriser la liberté d’expression par le dépassement de soi : la sublimation.

 

Notre développement s’appliquant aux éléments de langage du corps par le mouvement en sa dimension aniconique, pour ce faire :
- primo, le paradigme Signe trouve écho dans une certaine idée du sujet, le JEu, l’être dansant/dansé avançant une certaine définition de soi dans ce qu’il est convenu d’appeler « paraître », parce qu’il est question de représentation, aliquid stat pro aliquo pose saint Augustin (354-430), ce en raison du fait que « quelque chose signifie autre chose » dit le Père de l’Eglise, en théologien chrétien véritablement émule du platonisme.
Comme ici soulevée, la question générique interroge la chose en l’homme intérieur et le sentiment d’amour qui lui correspond. La problématique initiatique du corps en élévation invite à méditer les traverses de la mémoire, bord à bord, en tant que telles puisque l’être humain, somme de souvenirs au creuset des âmes sensibles, se distingue par la sensibilité à l’œuvre sous le masque et les traits de l’homme extérieur.
Est chose, sera chose parmi les choses toute personne qui, d’après lui, pense (/danse ?) en esprit libre et libre arbitre parce que nul n’échappe ni à son destin ni à la destinée, étant soumis au poids du péché des origines suivant la Genèse. Héritage de l’ascendance adamique par testaments interposés, le premier puis le second que reprend la doctrine ecclésiastique en son sein, édictant en ce sens, depuis le IVe siècle de notre ère, que les êtres humains se pensent en raison du Verbe par extension du langage de la faillibilité, aussi par la Grâce. Et le domaine des mots et des gestes fusionne désormais dans le champ du Sublime attendu que, pour d’aucuns, danser transcende ainsi que l’idée appelle la pensée, qui appelle l’action. Alors agir mais être au monde, en l’occurrence vivre, exister faute d’être ou ne pas être néant. A ce propos, le philosophe Jean-Paul Sartre (1905-1980) conçoit l’existence par le faire à l’aune de ce en quoi l’individu est en capacité deus ex machina lorsque volent en éclats cette masse et cette densité des choses du réel, le poids de la vie, ordre qui semble tant peser au point de devoir faire basculer dans le tragique le sujet-objet d’une forme de nihilisme.

 

Cependant que l’action trahit souvent par ravissement et par chance parfois, la façon dont l’homme agit l’élève et le révèle. Par conséquent, comportement et conduite traduisent la nature profonde du sujet en acte. Et le caractère se découvre par tout un jeu spectral et spéculaire de miroir et de miroitement, renvoyant ainsi à la famille à laquelle l’individu en jeu appartient parce que c’est la persona en propre qui s’adresse au monde et se montre sous les feux. C’est pourquoi l’on en viendra à suggérer que nous ne sommes effectivement que bien peu de chose au fond en regard du petit chose, nôtre.
Et la personne humaine, en tant que vie certes, être vivant, mais hypostase de toute éternité, cette instance n’en est pourtant pas moins réalité nonobstant, réalités, soit, ou bien ceci, en d’autres termes : substance vivante, matière spirituelle aussi, la valeur symbolique de l’homme se voyant systématiquement remise en cause par les modalités du langage.

 

Dans le cadre poétique de l’agir, inter-agir et co-construire le rêve d’envol au théâtre du silence inspire évidemment le stéréotype du Cygne, figure principale de la sublimité dans l’histoire et l’esthétique de la danse et du ballet.
Image archétypale, l’oiseau migrateur en majesté passeur d’âmes apparaît semblable au psychopompe, comparable aux forces surnaturelles propitiatoires et protectrices entre ciel et terre où progresse à l’horizon flottant le corps-signe, le corps-danseur, ce corps dansant glorieux par voie de métaphorisation des écritures chorégraphiques, sachant quasiment épouser la langue des oiseaux ainsi que la danse théâtrale l’esquisse ; stylisation de l’irréel du corps avec son vocabulaire classique de l’en dehors ou celui des pieds en parallèle et/ou en-dedans tout aussi bien dans la danse moderne, avec cette syntaxe et sa poétique de la pesanteur se faisant tour à tour légèreté, grâce ou bien à l’inverse ancrage, enracinement, poids faisant levier sur un langage plus céleste encore, la musique des anges, spiritualité à l’épreuve.

 

Voyons en quoi la stylistique et la symbolique sont, ou ne sont pas dès lors que s’imprime quelque part à un endroit donné, le signe representamen en cour, en jardin, en lointain et face. Etudions la figure dansante en ces rêves dansants dans le cadre de scène sous le manteau d’arlequin. De plus, évoquons la question du personnage en la persona qui s’exprime à découvert avec ou sans le masque.

 

Sous le signe des créatures ailées, le cygne se joue, le cygne se danse, mais le signe se meurt à la clé de l’expir-inspir. Et l’action signifiante relève bel et bien de ces procédés apocalyptiques par excellence dévoilement, révélation, la fin des fins offrant de s’exposer avec exemplarité en prenant le risque de l’imprévisible. La masse étant partie prenante du tout en une seule et même réalité dans cet ordre de grandeur physique positive et spirituelle, d’ordre culturel et artistique, poétique, le spectacle n’en est pas moins d’ordre politique non plus. Sociologiquement parlant, la représentation chorégraphique se soumet au filtre de l’économie, la production-diffusion prenant le pas sur la préférence du public plutôt que sur les desideratas du programmateur car en définitive, c’est lui qui décide de la vie des formes chorégraphiques en en sacrifiant au profit de celles qu’il sélectionne en fonction de chartes et d’idéologies qui se dissimulent sous le divertissement. Et les œuvres à l’affiche agrafent des noms et des titres en fronton de théâtres. Avec ou sans panache, la danse théâtrale est efficiente dans les esprits et vient de tout son poids influer sur les mentalités, sur l’Histoire. Tout comme Yvonne Rainer en chef de file de la postmodern dance proclame la révolution du regard à travers Trio A (1966), il est des artistes chorégraphiques qui comptent non pas en amuseurs publics mais plutôt en dénonciateurs, déclarant par ces mots manifestes restés célèbres : « Non au grand spectacle, non à la virtuosité, non aux transformations et à la magie et au faire semblant, non au glamour et à la transcendance de l’image de la vedette… ». Comment ? En quoi ? Pourquoi ? Masse pesante, « cogito » pour « conatus », désir, rêve, réalité de surcroît, l’étendue pensante des corps réfléchis dans le cadre prédéfini qu’est le théâtre, opère au moyen du lieu qu’elle investit. Ainsi donc animé, habité, le lieu architectural et l’institution qu’il abrite au service de l’Etat, fait du présent objet d’étude - la danse chorégraphique - un pur phénomène-événement.

 

Mesure des actes.
Le principe faisant force de loi, étant materia spiritualis théâtrale, l’expression du danseur en son langage chorégraphique réfléchit par la somme de ses actions, l’écriture qui est sienne de facto comme une signature génétique, l’ADN, fournit l’identité. Et la prestation scénique, s’agissant d’interprétation, le jeu scénique en l’espèce - le jeu d’acteur-danseur - se donne en vérité pensées, l’étendue pensante ou bien la conscience du corps se signant de par la présence au risque de la triangulation du regard. Qui s’avance devant son public, lui faisant face, soutient l’instance et l’autorité comme il en faut pour monter sur les planches en double adresse. Double point de fuite en trompe-l’œil que cette perspective renversée, fusant d’entre la scène et la salle par l’enjambement de la rampe qui recèle son échelle ne tenant qu’à un fil, l’attention et le goût en son siège, le fauteuil du roi concentre le lieu du pouvoir en place, politique sacralisée ainsi dans la salle de spectacle puisqu’elle en est le centre de gravité, les regards aimantés littéralement happés par cette prototypique et archaïque toute-puissance en exercice. Voir de quelle façon le regard centralisateur tient à sa merci l’action et le drame rend évidemment compte de la politique choisie, pointant l’espace de liberté via la censure en ses marges, l’organe de propagande instituant sa régulation sur les idées en circulation, culture et doctrine faisant l’objet d’un soin tout particulier, modes et vogues étant placées toujours sous surveillance, contrôlées, évaluées : sous influence vont les écritures chorégraphiques où s’articulent engagement et responsabilité ; ainsi des institutions emblématiques comme les ballets d’opéra ou les centres chorégraphiques nationaux, toutes formations soutenues par une forme d’Etat providence et d’exception culturelle à travers les aides accordées aux troupes et compagnies subventionnées. Danse et pouvoir. Danse et politique. La danse, le ballet, dans ce jeu d’influences, s’ingénient sémiotique, économie du signe.

 

Systèmes de coréférences, tissus de connotation-dénotation par un savant jeu d’associations d’idées, depuis le sémiologue américain Charles Sanders Peirce (1839-1914), est signe, ou representamen, « quelque chose qui tient lieu pour quelqu’un de quelque chose ».
C’est en effet :
« ce qui détermine quelque chose d’autre à renvoyer à un objet auquel lui-même renvoie de la même manière, l’interprétant devenant à son tour un signe et ainsi de suite ad infinitum ».

 

- Secondo, bien entendu, cette perspective sur le spectacle et l’art repose sur une qualité de regard, sur tout à la fois un point de vue, une optique et une opinion riche de résonances autoscopiques (à développer).

 

- Tertio, une analyse comparative confrontant sensibilités chorégraphiques entre elles des plus académiques aux plus atypiques concernées, en l’occurrence, les fondamentaux de la danse classique et ceux de la danse contemporaine en miroir de l’univers du jazz et des autres arts, c’est notamment la place que peuvent occuper les mouvements chorégraphiques en regard des courants picturaux tels que le Baroque au XVIIe ou bien le Classicisme au XVIIIe, le Romantisme au XIXe et à sa suite l’Impressionnisme dans l’émergence et la naissance de l’Art moderne ensuite aux origines de ce qu’il est convenu d’appeler Art contemporain au XXe siècle, les avant-gardes y compris, avec l’épisode marquant de la postmodern dance dans les années 1960-70 à l’heure où la nouvelle danse française se cherche, puis le chapitre de la non-danse en ricochet par cette branche expérimentale dérivée de ladite danse contemporaine : continue de s’opérer actuellement une recherche sur les limites du signe, le representamen et la représentation, monde du spectacle et univers des arts à concurrence d’expressions empreintes de transmutation et de métissage comme les traduit à sa manière avec art le hip hop, la culture rap prolongeant le rag et le jazz, vecteurs de mutation dans l’évolution de l’art chorégraphique.

 

Notre champ d’investigations se focalise sur les prémisses et la logique de la danse dite théâtrale au risque du cadre scénique.
C’est pourquoi apparaît tant déterminante, décisive l’importance du lieu théâtral : les palais, le théâtre à l’italienne, les opéras si prégnants et significatifs en confrontation aux autres lieux de représentation tels que l’agora, la sphère publique, places et parvis, rues, foires, stades ou zéniths... Théâtre à ciel ouvert dans les villes et les campagnes, boîte noire ou camera obscura du théâtre d’illusion, le théâtre à l’italienne à partir de 1641 sous Richelieu va conditionner les modalités de représentation, la mimesis et la catharsis y compris.
De plus, ce processus d’émergence des formes chorégraphiées se faisant au long cours, l’histoire de la danse et du ballet en relate les intentions, les politiques à la clé du bonheur que confèrent tant et tant les joies de danser, de voir danser.

 

Forme d’élévation en soi, les esprits par le corps aux Temps modernes, ce qui se donne a priori comme divertissement aristocratique, alias les menus plaisirs du roi, vient structurer les mentalités pour fort longtemps, en l’occurrence, toute une époque classique profondément marquée par les académies. Ainsi le langage chorégraphique depuis la fondation de l’Académie Royale de Danse (1661) puis celle de l’Académie Royale de Musique (1669) ensuite, son emblème, déroule sa belle danse qui s’impose par la suite dans l’art de la pointe et la danse classique, la danse académique apparaissant en tant que l’apanage des Grands en son temps, étant le propre d’une élite en scène qui siège à la tête de l’Etat centralisateur et se donne en spectacle dans le protocole sous le jour d’une prétendue harmonie universelle rêvée étant donné le cadre et la caste.
Expression de sa classe, la danse de cour est avant toute chose conçue en tant que arithmétique certes, mathématique et musicale, mais aussi images intérieures et visions, sentiments, idées, conceptions en tant qu’imaginaire au service de l’autorité du sacré : par exemple, l’image du corps du roi en expose la nature héroïque de façon symptomatique à l’échelle de grandeurs d’un sujet qui se découvre savant à travers son art, la danse mesurée, virtuose et vertueuse puisque pas de bravoure, beauté, noblesse d’âme, vérité du corps par voies d’un cœur pur et sage, le vierge et le vif présupposant de l’esprit en ces leçons de ténèbres, les lumières en contrepoint rythmant les jeux de mémoire avec autant d’habileté, de force et de grâce que du reste, le sens artistique sous l’endurance et la résistance.

 

Symbolique des deux corps du roi présageant de sa nature héréditaire, de droit divin, la dynastie des Bourbon en son Roi-Soleil tout d’abord, puis, les Dieux de la Danse ensuite qui obéissent à Son bon plaisir, avec ces modes, la règle et la discipline en reviennent au corps de ballet, le véritable fleuron d’une cour de substitution et par procuration au théâtre lyrique et chorégraphique de l’Opéra de Paris, ce tout nouveau Versailles du Grand Siècle, château des merveilles qui aura réinventé la campagne à la ville et tout réciproquement.

 

Danse classique et ballet mettent en scène les sujets d’une société témoignant de l’Age classique et de l’Ancien Régime.
En contrepartie, danse contemporaine et danse jazz interrogent et questionnent par réaction les limites d’une tradition ancienne conservatrice par définition, tradition pluriséculaire et monarchiste par rouages à la fois éthiques et esthétiques.

 

Quand le Baroque et le Classicisme impriment leurs vues du grandiose et du merveilleux c’est au nom de l’instance suprême : l’Eglise, c’est-à-dire Rome ou la chrétienté, ce à des fins morales et spirituelles sinon religieuses.
Instrument de propagande et modélisation, les danses de cour se distinguent par leur vocation pédagogique parce qu’elles consistent à modeler les consciences par un corps que les mouvements sculptent et auquel on imprime un certain pli.
Puisqu’il s’agit de bonnes manières dans le fait de danser en cadence, en rythme et en mesure, il s’agit bel et bien de forger une élite d’où s’ensuit le caractère sérieux quoique ludique de cette danse galante et si courtoise, gage de l’éducation soignée des enfants de la Noblesse. Forme de bonnes manières, code de conduite et de surcroît, écoute raffinée, danser procède d’une éducation de l’oreille en tant que telle ainsi que des exercices et entraînements physiques quotidiens dus et dévolus aux gentilshommes en tant que gens d’armes quant aux obligations militaires régaliennes.

 

Danser est un fait de culture en même temps qu’un fait de nature de par la maîtrise du mouvement se résumant par certains aspects à parfaire la coordination des membres inférieures et des membres supérieurs par le haut et par le bas, par le grave et le léger du corps qui chante sa lumière au travers de pas réglés, codifiés et normatifs, au gré de gestes à la mimique toute maniériste (les danseurs courtisans, les baladins aux XVIIe et XVIIIe siècles sont masqués pour des raisons de bienséance, le protocole exigeant une dramaturgie de la retenue en vertu de critères éthiques et de valeurs morales liés au savoir-vivre que résume le naturel et son code de l’honneur). Par la frontalité se renchérit la structure à entrées du ballet curial où l’on apprend la prédominance, le poids du regard avec ses vues, son point de vue monarchiste. C’est donc une vision du monde, au sens politique et idéologique du terme, que cette forme de centralisation des cerveaux voulue par les raies du théâtre à l’italienne, théâtre où l’illusion repose sur la maîtrise des lois géométriques de la perspective entremêlant la ligne et la couleur dans le trait du dessin que restitue à l’envi l’art de la danse, l’art du ballet accentuant ses liens étroits et consubstantiels avec les Beaux-Arts par le biais de son véhicule institutionnel et son arme, le théâtre, son cadre et son conditionnement.

 

Source d’expression, danser-chorégraphier devient une forme de liberté d’expression aussi quand elle prend part au jeu d’émancipation de la personne humaine tout entière. C’est ce que s’applique à faire le ballet romantique à une époque qualifiée de contemporaine en butte nonobstant à la problématique Tradition/Modernité.

 

De la danse aulique des bals et ballets à la cour aux bewegungschor de Laban en passant par la danse libre, les pieds nus dans l’herbe ou le sable, là où la danse d’excellence de terpsichore en chaussons de pointe ou bien en baskets flirte avec son inconnu, l’orchestique reste et demeure chose populaire cependant, consacrée toute, au signe de l’humain en tant que langage articulé, signe du divin sujet, le Logos subsumé par le sensible incarné.

En substance, la danse théâtrale ne sublime-t-elle pas d'elle-même un corps tenant lieu d’un autre par passion ? Le SIGNE ?
Telle est notre question. Telle se résume la question.

 

 

Vidéogramme : WHITE SONG d'Axelle Poisson avec Marie-Agnès Gillot — www.axellepoisson.fr