18 mai 2023

Autour de l’humanité en question
et de la recherche de soi — I

Culture chorégraphique-Histoire de la danse
dans le cadre du Diplôme d’Etudes Chorégraphiques
Conservatoire de Rouen, 2022-2023
Sujet traité : autour de l’humanité en question et de la recherche de soi
Humanités, Littérature, Philosophie au feu des transversalités chorégraphiques
par
Valérie Colette-Folliot

 

Si le propre du langage humain en soit la double articulation, d’évidence l’art chorégraphique apparaîtra comme l’une des modalités du Verbe qui se fait chair quant à cette double articulation des réjouissances faites menus plaisirs, qui replie l’un sur l’autre le fait de penser/le fait de danser et le fait d’aimer parce que, désir et passion déroulent l’espace-temps à l’infini en tant que lieux de l’esprit-corps par combinatoire de signes reliés entre eux au seul moyen de systèmes de signification subtils et particuliers, singuliers et spécifiques, intrinsèques et inhérents propres à la chose pensante, c’est-à-dire soi, l’âme, le Moi faute de Jeu en instance vibrant par l’hypostase ou la nature qui est sienne, essence, substance que l’homme ne parvient que si difficilement à accepter puisque le moi est haïssable d’après Blaise Pascal (1623-1662). Raison pour laquelle l’humanité est en question comme en épochè dans l’instant magique des transversalités chorégraphiques. De fait, l’acte d’écrire le rêve mais la réalité, sachant réaliser la danse des corps célestes, s’accomplit dès lors que le ballet des étoiles se réfléchit dans les formes de l’envol sur les planches. Aliquid stat pro aliquo « quelque chose tient lieu d’une autre chose », c’est la définition du signe que pose Augustin (354-430) à l’aune du genre humain via cette source de connaissance : la parole, une recherche de soi. Le logos faisant levier, le langage chorégraphique accélère et précipite l’élévation des esprits par la danse dite d’élévation au cœur à corps comme, à fleur de peau, frémit le grain de la voix avec nonobstant un grain de folie qui ramène le sujet-objet au glorieux corps dansant l’intime via la peau, assure Paul Valéry (1871-1945).

En tant que domaine des idées, le phénomène humain aux yeux de Pierre Theillard de Chardin (1881-1955) entretient ses liens d’élection à l’endroit où se façonnent les visages du monde, la noosphère, lieu éminemment poétique et spirituel que les philosophes du langage réduisent en une formule arithmétique : Sa/Sé, le signifiant-signifié sachant faire résonner l’infinité d’unités discrètes en pensées fortes et riches de contenus-contenants assignés aux réalités, pesanteurs, âges de la vie de tout ordre. En fonction de règles arbitraires, efficaces et suffisantes au gré d’une relation duale forme-fond faisant référenciation, écho et résonance interpellent ce rapport matière-esprit en vertu d’une dimension métaphysique en soi par laquelle les idées et le ressenti s’entremêlent inextricablement en substrat de ce quelque chose qui passe et qui se passe, circulant entre les uns et les autres à l’heure du spectacle de danse où l’on fait corps. Le ballet, en tant que fait communiqué ou information, est bien sûr communion, mode de transmission entre les gens rassemblant artistes et publics devenant à eux-mêmes acteurs d’histoires d’amour dont les originaires destinateurs-destinataires sont soi, tout un chacun pris en témoin dans cette ultime interaction émetteur-récepteur qu’instaure pour une fraction d’éternité, grâce à son éphémère, la représentation théâtrale génératrice de tant d’intelligences, de savoirs et de connaissances.

L’œuvre chorégraphique introduisant à la sagesse du danseur comme l’affirme Dominique Dupuy (1930-) quand il évoque ce quelque chose et presque rien qu’est une simple poignée de mains, se découvre au carrefour du sensible incarné mille et une choses au point cardinal : le contact unique donnant accès au réel, porte sur les ondes cosmogoniques que captent les antennes humaines, qu’elles renvoient dans les applaudissements par ce battement de cils en forme de frappe d’ailes de papillon, claquement de mains conséquemment offert en retour aux bienfaits de la danse. Calme, luxe et volupté à dialoguer sans mots dire, ne laisse de s’échapper du silence que par une respiration dans le souffle des mouvements musicaux que chantent ces corps dansés par moult et quantité de choses secrètes se dévoilant au fur et à mesure, d’énigmes en mystères, non-dit et sous-conversation quasiment kabbalistiques, au pluriel et au singulier comme au nom de la rose par le rythme, donne le spectacle de la beauté du sujet, l’avènement du Je, évènement délicat qu’inspire aux plus grands gestes et sagas, véritable prise de risque au seuil de la vérité.