Présentée le vendredi 20 octobre 2017 dans le cadre du Département des Arts du Spectacle et de Musicologie de l’Université d’Evry – Val-d’Essonne,
cette journée d’études sur la danse est consacrée au processus proprioceptif enclenché dans l’émergence du sens tel qu’il se manifeste dans une œuvre dansée.
Or, la cohésion chorégraphique étant un sujet encore mal connu, voire tout juste à peine débroussaillé, nous poserons que l’art chorégraphique est un type de
discours dont les ressorts s’apparentent effectivement à la communication non-verbale, ce qui n’exclut aucunement le Verbe, loin s’en faut, la Chair étant sa contre-épreuve.
Nous en déduirons d’emblée que, pour appréhender ses contours et aspects, c’est-à-dire sa forme et ses configurations, l’objet d’étude s’offrira mieux à l’approche par obliques,
par transversalités. Conjugaison pluridisciplinaire, nous nous proposons de développer une lecture sémiologique dudit corps et son corollaire, le sensible incarné, en l’occurrence
l’intime à l’œuvre dans le mouvement stylisé d’un souvenir du ciel : l’intime douceur.
Mais, plus exactement, qu’appelle-t-on « pièce chorégraphique » ou « écritures chorégraphiques » ? Tandis que l’on parlera plus communément de langage de la danse
et d’art chorégraphique aussi plutôt que d’orchésalité, c’est néanmoins de l’être dansant sur l’infini dont il est question à propos du regard sur ce corps dansé,
l’extime faite intériorité. Quelles sont les limites du spectacle de danse ? Et plus largement, à quels patrimoines emprunte-t-elle ? Au fil des mutations,
nous observons combien le champ d’investigations est vaste et riche, parcourant les humanités. C’est pourquoi nous risquerons le thème d’une pensée judéo-chrétienne
comme paradigme au risque du sublime – corps dansant sublimatoire. Pour tenter de cerner et discerner pareil sujet, seront soulevées nombre de questions d’ordre historique
et esthétique interrogeant la Chose dont l’ampleur réside en elle-même, le propos relevant peut-être de l’ontologie. C’est pourquoi le concept de corps dansant glorieux
fournira une grille de lecture pour décrire et apprécier, découvrir les formes dansées conçues comme telles : réel, réponse à l’amour. L’amour-passion étant le sentiment
des sentiments, ne semble-t-il trouver ses marques en semblable expression poétique ? Qui plus est divertissement, la danse de Ballet doit beaucoup à la culture médiévale
et à la Renaissance, avec d’une part, la courtoisie et d’autre part, avec l’héroïsme, les deux corps du roi faisant du danseur un roi agissant au plus fort de l’intime,
grandiose dans la portée et la visée de la danse savante en elle-même, celle-ci étant écrite, partitionnée, ce véritablement à partir du XIIIe-XVe siècles
comme en témoignent les tablatures. Pensée dorénavant comme musique des sphères, étant mesurée, réglée sur la voix et ses notes, solfège du mouvement corporel,
danser s’affirme et réaffirme autrement le fait de chanter sa lumière. Pourquoi ? La Tradition, la Modernité étant empreintes d’interculturalité et d’intertextualité,
la danse théâtrale catalyse ces forces en ses lignes depuis fort longtemps déjà. Le grand répertoire avec des chefs-d’œuvre que connaissent et se récitent par cœur
les danseurs étoiles comme Jean Guizerix et Wilfride Piollet pour les avoir dansés, bien sûr, pour leur avoir donné corps et vie, ainsi pour Giselle (1841)
ou Le Lac des Cygnes (1895), tient de la chanson de gestes des temps présents à la clé d’un héritage ancestral. Ayant su traverser les Grandes Maisons comme
l’Opéra de Paris, ou bien même les Maisons de la Sagesse où l’on étudiait les Textes, ainsi de La Maison Sublime de Rouen qui était une éminente école rabbinique au tournant
du Moyen Age à ce moment décisif et déterminant de l’histoire des états-nations avec leur politique centralisatrice toujours active, jusqu’à nous, en ce XXIe siècle,
toutes ces mémoires ne continuent-elles pas de résonner en nous avec ces accents d’un monde ancien, qui pourtant demeure bien présent ? La mémoire du corps trouvant probablement
sa plus vive place dans les danses théâtrales, des chorégraphies aussi subtiles qu’inspirées que Nombrer les étoiles (Alban Richard, 2015) en sont le gage ; ce que nous
ne manquerons pas d’examiner avec le concours avisé aussi de Jacques-Sylvain Klein, historien de l’art, auteur d’une somme importante sur le Royaume Juif de
Rouen au Moyen Age ;
mais aussi Sylvie Jacq-Mioche, historienne du ballet, dont la contribution portera, pour sa part, sur l’image de la femme dans l’univers si masculin de l’Académie Royale de Musique
(aujourd’hui Opéra National de Paris).
Enfin, notons que la danse n’a pas toujours été une représentation scénique faite pour les menus plaisirs du roi, ni agrément des dames ni amusement des gentilshommes.
En effet, avant que de prendre place dans les théâtres, bien que ses racines plongent directement dans les danses de bal à la cour, ses origines sont plus archaïques
qu’anciennes puisqu’elles remontent à l’Antiquité et à la Préhistoire de même étant donné que toute danse est un rite de passage. C’est donc une espèce de métamorphose
que danser, asserte l’historien Curt Sachs, car la danse est d’ordre sacré comme elle est le premier-né des arts en son entier, explicite-t-il. Toutefois viendra le temps
où celle-ci, la danse théâtrale, se revendiquera comme forme spectaculaire à part entière.
A l’heure du ballet, quels chemins aura-t-elle dû emprunter ? Quelles expériences traversées ? A l’épreuve d’une anthropologie dogmatique, l’histoire culturelle de la danse
risquera ses hypothèses de lecture en grande partie inspirée par la méthodologie de Pierre Legendre, auteur de La Passion d’être un autre. Etude pour la danse (Seuil, 1978),
que l’on ne manquera pas de citer durant toutes ces transversalités chorégraphiques, Obliques, notre journée d’études sur la danse.
Valérie Colette-Folliot