Nicole Spodek est née à Paris, au lendemain de la guerre, de parents juifs survivants de l’occupation et de leur engagement dans la Résistance. Le silence sur l’ineffable est comblé par les histoires, les contes, les chansons. Enfant, pour la faire manger, la famille défilait aux repas pour conter ou chanter. Les images la faisaient se tenir sage, bouche bée, elle buvait les paroles.
Elle en gardera le goût des mots et des idées. Cet intérêt la conduira jusqu’à une thèse de doctorat sur Dostoïevski sous la conduite de Vladimir Jankélévitch qui lui transmet une irrépressible indépendance d’esprit.
L’écriture reste toujours présente comme une double vie, un regard clandestin. Au cours d’un voyage en camping-car jusqu’au Népal, elle tient le journal de bord de cette jeunesse routarde. Plus que les paysages, ce sont les rencontres, leurs moments de grâce et de dangers qui parsèment les pages. L’Afghanistan illustre cette dualité : le petit artisan qui soudain joue du Oud en pleines montagnes glaciales. Mais aussi la fin d’un bouskachi, cavalcade à cheval où deux équipes s’arrachent une dépouille de chèvre : Nicole n’échappe que sous la protection de la police au déchainement de la foule entre viol collectif et lynchage.
Souffrances, secrets, plaisirs, d’une vie de femme. Et la maternité, transmission de ce goût des mots entre promesses et dialogues. Elle écoute et témoigne : le parcours de son père dans la Résistance. Un récit où hasards et objets anodins lui ont sauvé la vie.
Mais l’écriture est aussi professionnelle. Dans l’industrie, Nicole écrit les discours des dirigeants, organise des concours de nouvelles destinés aux salariés. Pour certains, ce sera une révélation, une découverte pérenne de talents méconnus parmi les secrétaires, les ingénieurs…
Et un jour, elle retrouve Tamara, l’été, sur une ile sur la Seine. Tamara, l’amie de toujours, à l’enfance chaotique, sauvée par la danse et son départ en Israël. Tamara, l’idéalisme incarné, vécu dans son corps et son âme, sans posture idéologique. Si la création chorégraphique fait émerger les traumatismes enfouis, les mots peuvent éclairer, accompagner les révélations corporelles. Danser et raconter sont deux survies enlacées : chanter l’éphémère et l’inscrire dans la mémoire.
Pour la première fois, émerge chez Nicole le désir d’un livre, d’une publication sur une vie qui n’est pas la sienne. L’élan offert par le dialogue, l’écoute, l’amitié. Des racines jusqu’aux ailes.
La danse comme métaphore de la vie.
D’un dialogue entre deux amies, émerge le parcours singulier de Tamara pour qui la danse fut une recréation et une renaissance.
Dès la première invitation à créer à partir d’un objet, celui-ci transmué en accessoire de scène entraine la réminiscence d’épisodes enfouis. Chaque chorégraphie fait émerger un traumatisme et la succession des œuvres se révèle comme autant d’étapes libératoires du corps et de l’âme. La scène démultiplie la catharsis auprès du public.
Une histoire de danseuse, chorégraphe, professeur de danse, avec ses accords, ses ensembles, ses sauts, ses chutes, ses résurrections. L’envol permet de renouer en toute lumière avec le yiddish et d’harmoniser les racines et les ailes.
NICOLE SPODEK
● Signatures
— Dates et lieux sont en cours de programmation.
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