Eléments du cours de culture chorégraphique / histoire de la danse

suivi fermeture Corona-19 par Valérie Colette-Folliot pour le département danse des conservatoires de Caen et de Rouen

Mis en ligne le 7 Avril 2020

Poursuivons ensemble notre exercice d'analyse critique du langage de la danse appréhendé comme écriture de soi mais aussi comme humanités chorégraphiques, si vous le voulez bien.
En aparté, vous prenant à témoin, vous, élèves et collègues, je vous transmets la présente en gage de mes bonnes pensées, toutes.

Pour en revenir à notre objet d'étude, posons comme suit notre réflexion sur le paradigme Danse et Spiritualité, tout en nous demandant comment cette idée s'inscrit dans la dimension morale du champ chorégraphique. Aussi en viendrons-nous à parler d'éthique de la danse faute de sagesse du danseur.
Reportez-vous à la biographie de Dominique Dupuy (2005) où il confie danser en rappel, appel-réponse parce que "Je danse dans l'espoir que tu me regardes, et si tu me regardes, alors se pourrait-il que je ne danse que pour toi", sous-entendu "Seigneur". De plus, à l'instar du roi David, à son exemple Franck Legros (2018), prêtre-danseur, confesse à ce titre danser de joie de par Son amour, au Très-Haut. Telle est la relation d'élévation de facto.

cf. - Dominique Dupuy (2005), La Sagesse du Danseur ;
cf. - Franck Legros (2018), Ton amour me fait danser de joie.

Induite ainsi donc la question de Dieu et/ou son corollaire, le sacré, dans l'image de l'Autre.
Problèmes de théologico-poétique nous ramenant conséquemment à la pensée sur le bonheur :
Deus sive Natura, soit l'Ethique, qui est engagement, don de soi, vérité de la personne humaine.

cf. - Maurice Béjart (1977), Un Instant dans la vie d'autrui (mémoires) ;
cf. - Maurice Béjart (2006), Ainsi danse Zarathoustra (entretiens) ;
cf. - Maurice Béjart, Orphée (1958) ; Messe pour le temps présent (1967) ; Roméo et Juliette (1966) ; IX Symphonie (1964) ; Le Sacre du printemps (1959), Symphonie pour un homme seul (1955) ; Le chant du compagnon errant (1971) ; Nijinski, clown de Dieu (1972) ; La danse - l'amour (2005), etc. ;
cf. - Pierre Legendre (1978), La passion d'être un autre - étude pour la danse ;
cf. - Frédéric Lenoir (2017), Le miracle Spinoza...

En substance, visages de la vérité (du corps), en miroir splendeur de son visage. Se voit, s'admire et se contemple le regard mais les beautés et gloires de l'opéra, merveilles s'agissant moins de jeux ni de plaisirs, divertissements certes, mais menus plaisirs. Le ballet offre sa part manquante au tragique, en l'occurrence la légèreté, l'évasion, cette forme de (la) liberté quand la danse théâtrale vient à s'inscrire dans l'instant présent, c'est-à-dire dans l'ordre de l'éphémère d'où s'ensuit son statut d'arts du spectacle, en effet, art mais sciences du spectacle introduisant à une sorte d'examen de conscience via l'oubli, la mémoire oubliée resurgissant par retour du refoulé au gré des intermittences du coeur, l'expression corporelle faisant leviers sur le poids de la vie, le poids des choses soudainement enlevées voire épurées.

Comment se produit l'introspection ? Au coeur des actions chorégraphiques il y a profondeur de champ, profondeurs au sens mystères mêmes de l'homme en traduction d'une volonté faite Verbe, puissance de vie d'après Nietzsche, exaltation de la vie sinon sublimation, force de caractère que de danser sa vie :
cf. - Isadora Duncan (1927), Ma vie ;
cf. - Paul Valéry (1921), L'âme et la danse ;
cf. - Serge Lifar (1935), Manifeste du chorégraphe ;
cf. - Martha Graham (1991), Mémoire de la danse...

Et de s'interroger, et de questionner le corps en représentation, JEu scénique en tant que tel, théâtralité là où il y a substrat voire phénomène, événement-phénomène, expression-manifestation en guise de paroles - paroles de danses (cf. Karine Saporta), paroles de corps (cf. Thierry Vila), révélation-dévoilement d'ordre apocalyptique dans ce jeu dialectique d'apparition-disparition/absence-présence, signes en ombres portées plutôt qu'illusions ou faux-semblants.

cf. - Alain Porte (1992), François Delsarte, une anthologie ;
cf. - Ted Shawn (1954), Chaque petit mouvement - à propos de François Delsarte (2004)...

C'est pourquoi, pour nous résumer, je vous suggérerais d'orienter votre problématique générale vers la notion de jeu d'acteur-danseur interprète, "dansacteur" (cf. Odette Aslan, Le corps en jeu), vous employant à examiner les rapports entre l'être et le paraître qu'induira toute interprétation hic et nunc au fur et à mesure que se découvre le cadre de scène.

En partage un monde, des mondes, l'entre-deux attendu le mouvement et sa musique, la musicalité développant les arpèges du corps dansant, pure harmonique que déroule l'univers du spectacle chorégraphique du fait de la grâce, Grâce en majuscule au moment de l'offrande, grâce en minuscule aux temps de la cadence, ponts et passerelles entre les uns et les autres... ce que semble soulever a priori l'axe paradigmatique du regard et de la conscience du corps présupposé dans la question posée - les écritures, humanités chorégraphiques - que pour rappel nous mettons en exergue car l'énoncé du problème appelle sa problématique, réflexion propre sur la pesanteur, certes, mais réflexivité en l'espèce et la matière sur l'en-soi, l'apesanteur en regard de la gravité, l'art de retourner son regard à l'intérieur de soi-même afin de se présenter à l'assistance, le public, en témoin l'un de l'autre, les uns les autres.

- La danse comme théâtralité, c'est-à-dire : la danse comme spiritualité, autrement dit du sublime dans la danse théâtrale et/ou danse d'élévation et réciproquement.

Passage d'états de corps à état de conscience, états du monde au prix des mondes de l'au-delà au moyen du rêve, le temps de la représentation qu'est le spectacle de danse, ballet pour la vie ainsi qu'aime à le célébrer Maurice Béjart au nom de la Rose...

Et Je reste chez Moi ! car Je est un Autre que Soi... La rage au coeur, entendu : courage.